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Bonheur: sentiment, ou sensation ?

Dernière mise à jour : 7 avr.




Juste après le solstice d'hiver du 22 décembre 2023.

40 ans: couchée dès vingt heures.

50 ans: six heures du matin = lever impossible.

Mon solstice d'hiver énergétique.

Mes jours raccourcissent.

J'hiverne.



"Enfant, j'ai vite compris qu'il existerait toujours deux versions pour chaque chose : la mienne et celle des autres.
Pour tous, le bonheur est un sentiment.
Pour Arthur et moi, une SENSATION".

L'Expérience de la pluie,

Clélie Avit.



Janvier 2024


40 ans: couchée dès vingt heures, depuis ma deuxième grossesse.

50 ans: six heures du matin= lever impossible. Mon solstice d'hiver énergétique. Mes jours raccourcissent. Mon énergie diminue. J'hiverne.


Ou bien, est-ce que simplement je bulle ?

30 ans: fin des voyages = The end.

40 ans: couchée dès vingt heures, depuis ma deuxième grossesse. C’est-à-dire que je dois me mettre dans ma bulle sensorielle, sensitive, sans stimulations, avec lumières et sons tamisés, voire en mode OFF. Le trio, composé de mon mari et de nos deux enfants, continue de vivre sa soirée, pendant que je suis en pause relationnelle, à l’autre bout de l’appartement, hors de l’agitation, et de l’animation familiale.

50 ans: six heures du matin= lever impossible. Il me faut impérativement attendre qu’ils soient tous partis, pour me lever, seule et en silence, sans bruits, ni effervescence matinale et familiale.

C'est l'inflation 2024. J'ai tout dépensé, énergétiquement. L'inflation des ans, le poids des années: tout me coûte de plus en plus cher, en petites cuillères pas d'argent, et en temps de décompensation autistique, isolée dans ma bulle. Je dit alors que je n'arrive à penser. Ma sœur utilise une expression: fonctionner en "mode avion"; ce qui signifie répondre au strict minimum de sollicitations. Moi je parle de minimum syndical familial, pour faire tourner le foyer :-) parce que je n'arrive plus à réfléchir. Et je ne peux plus me permettre de vivre à crédit d’énergie, au-delà des limites de ma fatigue cognitive. Je ne peux plus solliciter à l'extrême mon attention, ma concentration et mes fonctions exécutives: la planification et l'anticipation, avec la socialisation, qui en utilise un large panel. Ma mémoire de travail sature beaucoup trop vite, maintenant."Accomplir une tâche, planifier une tâche, traiter de l’information ou aussi faire abstraction des informations non pertinentes. Voilà une définition assez large de la fatigue autistique cognitive" selon Morgane Aubineau, Docteure en psychopathologie neuro-développementale et diplômée d'un Master en neurosciences. Une façon plus précise scientifique de nommer ce que je vis, lorsque j'exprime le fait de ne plus pouvoir penser, ne plus réussir à trouver mes mots et réfléchir.


Pourtant mon moral va bien, je peux dire que je suis heureuse.

ll y a même des jours où je suis parfaitement heureuse.

Comme, par exemple, lorsque nous sommes tous les 4 à la maison, et que chacun travaille, intellectuellement et personnellement, à ses études. Et que chacun se sent bien. Un bonheur de bibliothèque-maison-familiale. Pas de musique, pas de voisins décérébrés. Comme ils sont partis, je ne suis plus punie par leurs bruits (cf. mon post: Droit au silence), je peux enfin quitter mon lit-cage-bureau, et réintégrer mon salon, pour y travailler avec sa vue arborée. Une journée parfaite, éventuellement entrecoupée par un jeux de société, forcément calme et reposant, comme le Scrabble, avec dictionnaire en mains. Quelques partages familiaux, informels mais souvent à connotation culturelle, lors du repas de midi, et celui du soir, tôt, comme au Québec et en Suisse. Petit déjeuner: seule. Goûter: seule. Et pas d’émotions imprévues à écouter. Pas de soutien émotionnel à fournir à la famille, ni d’écoute des sentiments des autres à donner. Alors je me sens bien. Profondément, véritablement. Mon bonheur est une question de sensation, plutôt que d'émotion ou de sentiment. Ou surtout, une absence de véhémence sensorielle, offensive et blessante. Lorsque les âpres stimulations quotidiennes, de ce monde bruyant, s'apaisent, je goûte la saveur de la sérénité intérieure. Mon bonheur est comme la neige, lorsque tout est amorti et assourdi, que les sons parasites sont réduits au minimum et que les attentes sociales se font minimales. Un bonheur blanc, pur et lumineux. Si je n'étais pas autiste, je partirais un an, comme Sylvain Tesson, l'aventurier écrivain, chercher Dans les forêts de Sibérie les 3 luxes du monde actuel, comme il le dit: "Le silence, le froid et la solitude [...] hors de l'encerclement des écrans morts".


Mais j'ai toujours peu d'énergie. Comme dans un entonnoir, mes journées rétrécissent, au fur et à mesure de ma perte d'énergie, de petites cuillères* autistiques.

  • (cf. Julie Dachez: théorie des cuillères*

Cela devient difficile de faire autant de choses, en moins de temps. Du coup, je continue à éliminer des choses de ma vie quotidienne, parce que je n'en ai plus la force. Comme de rencontrer des gens que j'aime, en dehors de mon mari et mes enfants. Comme de téléphoner à la famille: maintenant j'écris, car je n’ai plus l’énergie d’échanger par oral, cela me consomme trop de petites cuillères. Comme d’aller trouver, à vélo, à l’autre bout de la ville, des arbres à contempler, dans un relatif silence citadin. Un luxe absolu, cher à payer, par de nombreuses petites cuillères. Et pourtant, je vais bien, et non, je ne déprime pas. Mais oui, il y a un décalage entre mes ressources et mon environnement, une fatigue cognitive autistique, qui s'est bien installée, durablement, apparemment. Je ne suis plus en mesure de réaliser toutes mes activités, et obligations familiales quotidiennes.


  • Est-ce grave, Docteur ? De BULLER?

Je n'en suis pas certaine.

Lorsque l'on a un profil neuro-cognitif atypique, il est difficile de trouver chaussures à son pieds, médicalement parlant... Il faut quasiment être, ou devenir son propre médecin, avec autisme et HPI, entre autres. Le médecin malgré soi, n'est-ce pas, Molière? Si l'on ne veut pas devenir Le malade imaginaire.


  • Buller, est-ce grave lorsque l’on est autiste anciennement appelé Asperger?

  • Docteur, je crois que non. Je crois que je commence à devenir compétente pour prendre en charge mes besoins spécifiques autistes. Ce n'est pas grave, mais dommageable, pour ma famille, qui en pâtit, de mes absences, lorsque je bulle. Mais c'est ainsi, pour aujourd'hui.


Simplement, ce qui m’arrive, c’est que ma vie devient, de plus en plus, une looooooooongue et roooooooonde buuuuuuulllllle.


Ma bulle, le seul moyen qui me permet de gérer l’intranquillité.

M’isoler des stimuli sensitifs et sociaux. Dans L’Expérience de la pluie, Clélie Avit décrit de façon notable et marquante cette notion de BULLE, si importante dans la sphère autistique. Mes temps de bulle deviennent plus nombreux et plus longs: le temps de charge de mes batteries de petites cuillères augmente, au fur et à mesure que le temps passe. Comme avec les vieux téléphones, qu’il faut recharger plus longtemps, et de plus en plus souvent. Et qui se déchargent de plus en plus rapidement.


  • Rien de grave, donc, Docteur.

Je bulle

Tu bulles

Il bulle

Nous bullons

Vous bullez

Ils bullent


Les autistes.



«It's the most wonderful time of the year», c'est la plus belle période de l'année, chantaient en boucle les hauts-parleurs, dans les rues.


Noël. Et les fêtes de fin d'année. Et, cerise sur le gâteau, l'anniversaire de ma princesse, ma grande fille. Je suis heureuse, profondément, que mes enfants le pensent: Noël, les fêtes de fin d'année et l’anniversaire: la plus belle période de l'année. Pour eux.


A titre personnel, c'est une période compliquée, pour moi, depuis que je suis maman, notamment. Moi qui vit déjà dans un quotidien pas simple, où tout, la moindre chose «normale» (comme de prendre ma douche, par exemple, c'est toujours un défi. Clélie Avit le décrit si bien dans son livre. Elle illustre parfaitement, dans son roman, comment tout est question d'apprentissage(s): "je l'ai apprivoisée": la pluie, ou la douche) est question d’efforts adaptatifs à fournir, qui me consument et consomment une quantité d'énergie considérable. Noël et ses obligations sociales. Pas tout à fait évident. J'en ressors lessivée, vidée. Même si mon cercle social se restreint d'année en année, au fur et à mesure de mon avancée en âge, et de ma perte progressive de capacités à créer de nouvelles relations. Je préfère le mois de janvier, lorsque les attentes sociales et familiales se tassent, et que le froid hivernal se fait sentir. Comme une sorte de trêve, de pause sociale et sensorielle, au cœur de l'hiver. Lorsque même la nature fait silence. Tout se calme et devient paisible. S'il y avait un mois autiste, je pense que ce serait le mois de janvier. Lorsque même les neurotypiques sont saturés de fêtes, rencontres et repas. Lorsque même eux, ces gens normaux, qui aiment les fêtes et les retrouvailles sociales et familiales, se mettent en jeûne, détox et pause, après les fêtes. JANVIER, l'idéal pour une cure détox: sensorielle et relationnelle. Le paradis des autistes. Quelque chose qui ressemble au bonheur, car tout se pose, s'apaise et ralentit. Comme dans mon post Mémoriel sensoriel, dans lequel je décris les moments les plus heureux de ma vie, enfant, en haut des pistes de ski de la petite station familiale, seule, entourée de sommets alpins.






Même aller chez le coiffeur devient possible en janvier, pour les autistes. Car les premiers n'ont plus de clientèle, chacun devant refaire sa tirelire post-festivités. Les seconds, donc, peuvent savourer un salon de coiffure vide, sans personne d'autre que l'artisan des cheveux. La torture, annuellement tolérée, chez le coiffeur, en deviendrait presque agréable, en ce début d'année. Car il est périlleux de garder son casque antibruit sur les oreilles, lorsque Edward aux mains d'argent travaille sur son chef, sans couvre-chef, car c'est mieux pour les ciseaux. Moi qui travaille trop du chapeau, je me dois d'être prudente avec leurs ciseaux ;-) .

Autre chose, quel est le point commun entre les coiffeurs, et les kinés ?

TOUS me ILS PARLENT TROP ! Je n'ai jamais réussi à trouver un coiffeur silencieux :-)))


Vive le vent

vive le vent, vive le vent d'hiver !

Vive le temps

vive le temps du mois de janvier !



Janvier, le mois de la félicité

car mois de la sérénité.

Quand tout est enfin tempéré

l'autiste peut trouver la paix.

Retrouver ses routines ordinaires

après les extra des fêtes, pas ordinaires.


Le bonheur est plus question de sensation

que d'émotion pour moi


Wangmo



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