1984 etc, dès dix ans et ensuite...
1) Népal,
2) Suisse: le village parental maternel,
3) Le Moulin,
4) Le Château,
5) Et la Villa à la campagne.
J’ai 10 ans, c’est mon cinquième déménagement, et c’est insupportable parce que je suis impuissante face à ces changements forcés, dans mon environnement familier. Déjà, pour rencontrer papa, je sillonne en train la Suisse Romande, et j’avais commencé tôt, à six ans...; non seulement pour le «suivre» dans ses pérégrinations professionnelles mais aussi pour dormir chez ses amis, chaque fois différents, dans des lieux différents. Ces imprévus relationnels et physiques de lieux d’ancrages sont durs, les déménagement et leur lots de bagages sont déjà une torture intérieure, que personne ne voit, cela en devient une habitude: d'être INVISIBLE… Ces changements dans mon environnement me demandent beaucoup trop d’adaptation. Je perds tous mes repères. Bien sûr, je suis parvenue à développer des stratégies de compensation et d’ajustement bien rodées, j’ai des aptitudes à CAMOUFLER mes difficultés, et à compenser continuellement. Aussi personne ne remarque-t-il ma souffrance. Je pense d’ailleurs que ce sont ces stratégies de survie qui m’ont permises d’être intégrée, cette fois, dans ma nouvelle école, et non plus désintégrée comme au début du primaire.
Il faudra dire d’ailleurs, plus tard dans le récit, que le beau-père, m’avait aussi clairement assagie: il m’avait, par la force et par la peur, rendue docile...
Autour du village il y avait des champs et des forêts, et nous avions un nouveau chien, cette fois qui ne venait pas de la SPA (pour ne pas recommencer le problème des moutons…). Notre chien était un coolie nain qui fut le véritable compagnon de mon adolescence. Je vivais ainsi la fin de l'école primaire dans un autre village suisse, paisiblement. Il fallait y aller en bus. On nous a fait passer des tests à l’issue desquels certains étaient sélectionnés pour aller au collège, et les autres (comme ma petite sœur, plus tard) en filière d’apprentissage, qui reste néanmoins de haut niveau dans ce pays helvétique du chocolat, des banques et du fromage. Ayant réussi les tests d’entrée au collège, je me préparais à aller en ville, à 20 minutes de bus, puis 1 kilomètre à pieds en marchant, pour parvenir à 8h en salle de classe. J’étais en section «Langues Modernes»: français, italien, allemand et anglais. Je reprenais le bus pour le midi, rentrais manger à la maison puis repartais. Bien que je m’entende avec mes quelques camarades des villages alentours, sélectionnés avec moi, dès le début du collège j’avais commencé à pratiquer, spontanément et sans en avoir conscience à ce moment-là, des stratégies particulières qui commençaient à me différencier et M’ISOLER spontanément des autres. Au lieu de me joindre à eux au fond du bus, alors que j’étais la bienvenue et non plus rejetée, je m’asseyais tout devant. J’avais ainsi la plus belle vue sur la campagne que je pouvais contempler à loisir, ce qui m’intéressait nettement plus que les conversations des «récrés» du groupe. De plus, étant devant, j’avais du SILENCE, alors qu’au fond du bus cela bavardait bien… Pendant les récréations au collège, je quittais le groupe-classe pour aller regarder couler la rivière, SEULE, en peu en dehors de la cours d’école, en SILENCE. Je pense que ces techniques me permettaient de gérer la saturation sensorielle et émotionnelle du collège, due au nombre d’interactions obligatoires et du bruit.
En Helvétie,
les cours d’écoles sont ouvertes, il n’y a pas de grillage ni de clôture. Je me rappelle du premier jour d’école de ma fille, en France, 2010: quel choc pour moi, devenue maman, de laisser ma fille dans les grilles fermées des maternelles; j’avais l’impression de la mettre en cage comme si elle était un animal de zoo. Et ces petits (pas ma fille, heureusement) qui s’accrochaient désespérément au grillage en essayant de l’escalader pour retrouver leur maman, partie, et qui hurlaient…. Cette première journée d’école, qui se passa fort bien pour ma fille, fut un cauchemar pour moi, mère. C’était terrible, comme si j’avais absorbé toutes les émotions de ces pitchouns.
Alors que mon entourage collégien-campagnard découvrait avec fascination les magasins, la ville, le shopping, les bistros à plusieurs collégiens, bref la vie citadine; j’avais déniché un autre trésor (qui ne semblait avoir de la valeur que pour moi d’ailleurs, les autres ne partageant pas cet intérêt): les librairies, le kiosque à magazines/journaux et la bibliothèque de la ville. Dans les librairies, je dépensais mon argent de poche en livres, notamment les scripts des films à l’affiche. Cela me permettait, de temps à autre, d’avoir un sujet de conversation avec mes pairs du collège, sur un sujet qui m’intéressait, moi et la lecture, eux les films sortis, pour avoir l’air presque normale, comme eux... Au kiosque je m’offrais le Géo magazine sur les raies Manta. A la bibliothèque je commençais à voyager, intérieurement, avec l’expédition du Kon-Tiki et Thor Heyerdahl, par exemple.
Au village, maman avait acheté une villa. Comme je m’étais auparavant attachée au parc du château, je m’attacherai beaucoup à cette campagne, aux forêts et rivières environnantes: elles furent mon souffle, ma respiration, mon oxygène psychologique et mon ancrage.
Au Centre autisme lié au CRA, en 2022 (cf; post Sextuple peine) on m’avait dit que les autistes consomment plus d’oxygène, et que c’était prouvé scientifiquement. Ce qui est certain, c’est que les arbres et les forêts m’ont toujours attirés comme un aimant, et que sans eux je vis mal. La forêt est mon lieu de bien-être, qui rééquilibre mon organisme au niveau mental, émotionnel et physique: ma sylvothérapie.
Wangmo
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