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Faim + autisme = crises?

Dernière mise à jour : 7 avr.

Rédigé le 23 avril 2023, noté en 2022 pour que l’algorithme le classe au bon endroit.

Présent-passé


J’ai un besoin vital, absolu, et immense de routines, quotidiennes, et hebdomadaires.



Alimentation, sommeil et rituels


Je dois prendre mes repas à heures fixes, c’est vraiment difficile et compliqué à gérer pour moi s’il y a du retard, non de mon propre fait, mais des impondérables de la vie de famille. Les invitations sont difficiles à accepter, notamment parce qu'elles me changent mes routines: les gens mangent plus tard, ici en France, que mes horaires suisses, par exemple.

Pour l’alimentation, s’ il y a un gros imprévu, voilà ce qui se passe:

je tombe en panne sèche, comme une voiture en panne d’essence, et tout s’arrête, plus moyen d’avancer!

Le plus surprenant, même pour moi, c’est que mon corps ne me prévient jamais! Comme les feus tricolore, on pourrait penser que mon corps me prévienne, en amont: «Attention, le feu va changer de couleur, préparez-vous à ralentir», ou bien qu’il y ait un voyant, interne, en moi, qui me signale: «Attention, vous êtes sur la réserve; trouvez un station d’essence rapidement, et préparez-vous à faire le plein...». Et bien NON. C’est pourquoi intellectuellement, comme je le sais, je fais attention à toujours avoir de quoi me sustenter. Sinon, tout s’arrête sans me prévenir. Je crois que chez les autistes, c’est une question de proprioception, de perception différente des propres sensations de son corps.


Mais évidemment, la vie est une suite d’imprévus et d’aléas, et non pas Un long fleuve tranquille, comme le film éponyme.


Ce qui signifie que j’ai toujours avec moi de quoi grignoter et boire, où que j’aille et quoi que je fasse, parce que sinon, là, il peut vraiment m’arriver de hurler, verbalement, contre quelqu’un, à la plus petite contrariété, ou frustration, même minime… Et en public, c’est toujours assez impressionnant… pour les autres, de me voir… D’abord parce que c’est généralement décalé par rapport à la situation réelle, et ensuite parce que moi-même, en même temps je ne me contrôle plus, et en même temps, je ne sais pas ce qui m’arrive, sur le moment. Je ne peux décoder l'évènement que bien plus tard, et pas toujours...


Exemple:

lorsque je dois aller acheter un billet de train en gare, ou réaliser une opération à la poste, avant d’y aller, je dois manger suffisamment, pour ne pas me mettre à agresser le guichetier, s’il ne répond pas clairement à mes questions, ou que je ne comprend pas sa réponse.


Voici un cas vécu:

une fois j’oublie de manger avant de partir, et donc je me rend en gare pour une réduction, avec une carte de TGV. La dame du guichet ne trouve pas ma réduction, et elle ne cesse de me répéter que je ne peux pas prendre d’Intercité, car cette réduction n’existe plus. Et moi je ne cesse de lui répéter que oui, qu’elle a mal lu, et que j’ai vu que cette réduction existait.


Je n’ai pas conscience que nous parlons de deux trains différents: TGV versus Intercité.


Le ton monte, de ma part. Je lui dit «Vous êtes incompétente, je veux acheter mon billet avec sa réduction». La dame aussi hausse le ton envers moi, alors je lui réplique «Vous n’êtes pas gentille»: c’est sorti tout seul, cette phrase, je n’ai pas eu le temps de la contrôler…

Exactement ce que l’on apprend à NE PAS DIRE en Communication Non-Violente!

J’ai bien mis les pieds dans le plat, en plein milieu, sans faire exprès en plus!


Je commence à «chauffer»…


Les gens derrière s’impatientent, évidement ce sont des endroits généralement bondés, et les gens y sont pressés.


Sauf que… moi je «BUG», donc je ne bouge pas, et je reste sur place.


La dame me demande de me décaler, pour que le client suivant puisse faire sa commande.


Mais moi, là, je ne peux plus bouger,

je mouline dans ma tête

comme l’ordinateur avec son petit cercle bleu,

qui tourne en boucle,

et la souris informatique,

qui ne clique plus…


parce que je ne comprends pas,

alors je ne sais plus quoi faire,

mais je veux quand même comprendre


J’ai perdu tout contrôle,

de moi-même et de la situation.


Heureusement, il y a des caméras vidéos, et la cheffe sort d’un bureau caché.


Elle arrive vers moi avec un grand sourire, je pense pour désamorcer la bombe que je suis devenue, et ne pas faire sauter la mine, sur laquelle je semble trépigner.

«Expliquez-moi ce que je peux faire pour vous Madame :-))) ».

Je le lui explique, et là elle se tourne vers sa subalterne et lui explique: «Madame souhaite la réduction de TGV», l’employée lui dit qu’elle n’existe plus, et la cheffe lui dit: «Attendez, je regarde sur votre écran», puis elle se tourne vers elle, et lui dit: «Mais si, la réduction TGV existe, vous aviez cliqué sur Intercité, donc c’est normal que cela ne fonctionne pas».

Et voilà, la cheffe me fait mon billet, avec ma réduction TGV.

J’avais raison, je savais que j’avais bien lu avant de venir!

Très diplomate, le cheffe me parle maintenant, comme à une enfant de trois ans, pour blanchir son employée devant les autres clients présents, je présume:

«Voilà, tout est réglé, vous savez Madame, c’est une employée modèle, elle n’est vraiment pas méchante, elle ne vous a pas agressée».


J’ai du mal interpréter ce qu’elle m’a dit…

Au temps pour moi.

Me voilà avec le poids de la honte, de l’infamie d’avoir été une méchante petite fille (de 49 ans) devant tous ces inconnus. Mais je ne voulais pas faire de mal à qui que ce soit, j’avais seulement besoin de COMPRENDRE pourquoi elle ne trouvais pas ma réduction TGV, que j’avais bien lue et vérifiée, sur le site des trains, avant de venir l’acheter… Et elle, elle cherchait une réduction Intercité, évidemment que cela ne pouvait pas rouler… TGV ou Intercité, ce ne sont pas les mêmes trains, ni en construction, ni en fonctionnement, ni concernant les arrêts.

Tout cela pour dire qu’en retournant à la maison, je me suis rendu compte que j’étais affamée, et que j’avais oublié de penser à manger, avant de me rendre en gare.

Si la cheffe n’était pas venue m’apaiser, et surtout répondre, clairement et précisément, à ma question, je pense que les vigiles de la gare seraient vite arrivés autour de moi...


Des exemples comme cela, j’en ai pléthore, une abondance excessive dans ma vie de tous les jours; malheureusement ils se résolvent rarement si bien. C’est assez dur à vivre.


Ma grand-maman maternelle, devenue veuve, avait une devise, apprise de mon grand-père: «Je me prend par la main et je vais m’offrir des fleurs». Moi, après des événements comme celui décrit ci-dessus, je voudrais me prendre par la main et m’emmener… pour me mettre à la poubelle…


C’est vraiment dur, ces situations récurrentes, malgré tout le travail de développement personnel, réalisé en continu, sur moi-même, au long des années.


Ces pertes de contrôles sont devenues moins fréquentes avec l'âge, et parce que j’apprends, maintenant, petit à petit, à les prévenir, à défaut de les sentir venir.


Ceux qui me connaissent, aujourd’hui, restent néanmoins toujours surpris, s’ils en sont témoins, parce qu’en général j’ai l’air plutôt douce, calme, et souriante, EN APPARENCE, voire même, je suis souvent sans réaction, à vif, sur le moment. Du coup, lorsqu’il y a débordement, c’est d’autant plus surprenant.


Dans ma mémoire consciente,

mes plus terribles années furent celles autour de mes 5 ans,

lorsque maman me disait caractérielle:

je me roulais par terre de colère, hurlante, parfois même en pleine ville.

Et elle ne pouvait absolument rien faire pour me calmer.

Maman a écrit, dans sa lettre pour mon diagnostic au CRA* et au Centre autisme, que, bébé, je pleurais pendant 14 heures d’affilées.

Étant maman aujourd’hui, j’avoue être choquée de cela.

Je n’ai jamais laissé mes bébés pleurer quatorze heures d’affilées. Même pas une heure, d'ailleurs.

En fait, maman me gardait dans ses bras, en essayant de m’apaiser, et en me chantant des berceuses. Étant donné que, dès que je parlerai, plus tard, je dirai «Non pas câlin maman», je fais l’hypothèse, aujourd’hui que, peut-être, j’aurais eu plutôt besoin de ne PAS rester dans ses bras si longtemps…? Mais cela, on ne le saura jamais. Il n'y a pas de réponse.

En tout cas, ce qui est certain, c’est que j’avais faim: maman avait une mastite au sein, et à cette époque, au Népal, on lui a dit qu’elle ne devait plus m’allaiter et qu’elle devait me donner le biberon (aujourd’hui, le protocole concernant allaitement + mastite est différent). Hors, je ne digérais pas le lait, en poudre pour bébés, de Nestlé, moi la suissesse! J’avais régulièrement des diarrhées et vomissements, et alors on disait à maman de ne me donner que de l’eau. Ce qui fait qu’à trois mois, alors que les bébés doublent leur poids de naissance, j’étais un bébé maigre. Ma tante est arrivée à Katmandou, j’avais donc l’âge de 3 mois, et maman était fière de lui présenter sa fille. Mais ma tante (devenue infirmière anesthésiste, au retour de l’Asie) m’a raconté qu’elle était choquée de me voir si maigrichonne.

Je crois qu’il y a, actuellement, des études scientifiques qui montrent que la faim peut faire des ravages, chez les personnes avec un trouble autistique, avec ou sans déficience intellectuelle. Que la faim peut être source, et élément déclencheur, de crise autistique.

J’ai été, et je suis toujours, une enfant aimée de maman. Je n’ai pas été maltraitée, maternellement, en tout cas pas intentionnellement. Je comprends que les actions non-éducatives de maman étaient dues à un manque de connaissance et d’informations, et non pas à de la malveillance. En 1974, on ne parlait pas d'autisme de haut niveau dans le grand public. C'est une notion qui n'est apparue que vers 1990, au moment où je quittais la maison, j'étais presque devenue adulte. Le syndrome d'Asperger est arrivé dans la CIM** puis le DSM-IV** en 1994, j'avais déjà 20 ans. Mais là n’est pas la question. J’ai été une enfant, et je reste, pour ma maman, une adulte souvent INCOMPRISE. Par exemple, récemment, en nous quittant sur un quai de gare, après une de mes réactions, encore inappropriée, à une situation, maman m’a dit: «Je ne comprendrai jamais tes réactions». OUI, je crois que c’est un fait, c’est vrai et véritable.


Cependant, je pense qu’avec le décodeur du spectre autistique, on peut commencer à comprendre certaines de mes réactions, qui s’éclairent tout à coup, à la lumière de l’autisme, comme clé de décodage.

Maman a écrit, toujours dans le même courrier pour le CRA* et au Centre autisme, qu’elle devait me donner la fessée, petite enfant, pour que je dorme. Après la nourriture, parlons du sommeil. Je dois me coucher à heure fixe, aux mêmes heures régulières, pareilles tous les soirs, sauf lorsque je suis en crise insomniaque, lors de journées surchargées en sollicitations et stimulations sensorielles et sociales…

Ce qui devient de plus en compliqué en famille, avec une adolescente… qui commence à parler tard le soir… et qui est pleine d' énergie à ce moment-là!


Plus mon âge avance, et moins j’ai de marge de manœuvre à ma disposition.

Ce qui commence aussi à devenir de plus en plus pesant et lourd pour mon mari, qui pallie et supplée constamment à toutes mes défaillances, notamment envers nos enfants, auprès de qui il me «traduit», souvent et régulièrement. Il ne leur donne pas de justifications, mais des explications, de ce qu’il perçoit de mon fonctionnement.


Depuis ma dépression majeure, heureusement terminée, je n’ai pas récupéré d’autonomie dans plusieurs domaines que j’ai du abandonner, au risque sinon de me retrouver à nouveau en burn-out. Dans les nombreuses activités que, peu à peu, je ne peux plus faire, il y a, en vrac: accompagner les enfants à leurs activités extra-scolaire avec tout le côté social qui s'y joue entre parents, c'est le papa qui gère; avoir une activité bénévole; le repassage des chemises de mon mari (une par jour); conduire une voiture; faire les courses en présentiel dans le magasin, c’est dorénavant Monsieur qui gère; travailler quelques heures rémunérées, en dehors du travail de la maison et du fait de m’occuper des enfants, etc, etc. Et cette liste n’est pas du tout exhaustive! Bref, tout ce que je dois stopper, impérativement, vitalement, sous peine de ne plus pouvoir réaliser le minimum «syndical» de la vie familiale, qui reste ma priorité: l’éducation bienveillante et non-violente de nos enfants, pour les élever dans la bien-traitance.

Wangmo


*CRA: Centre Ressources Autisme

Centre autisme: lié à un CRA régional

**CIM : Classification internationale des maladies

**DSM-IV: Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux


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