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Wie 11: Nuit et lumière

1985-1989

Lumière dans la nuit noire,

lumière qui brille dans les ténèbres, les ténèbres ne peuvent éteindre la lumière, aussi minime soit-elle, elle brille et illumine.



De 11 ans à 15 ans, environ, ce fut une période bien sombre. Pourtant, je ne peux pas faire l’impasse de lumière(s) qui ont éclairé mon chemin, comme des phares dans l’obscurité et les tempêtes de la vie, qui me bousculaient particulièrement dans ce passage de l’adolescence.


J’ai déjà parlé des arbres. Du Yoseikan-Budo. Des livres. De mon chien.

Quatre soutiens incomparables qui ont permis que je reste en vie.

Il faut ici ajouter le thérapeute qui m’a accompagnée, professionnellement. Il était peu bavard, notait tout ce que je disais, et posait de temps à autre une question, la bonne. Ce temps de parole pour moi était un RITUEL apaisant, avec un sujet et un objectif clair, un temps limité et précis, un cadre immuable et rassurant, plutôt neutre et surtout bienveillant. Cela m’a permis de ne pas sombrer totalement. Et m’a beaucoup appris, sur moi-même, mes émotions, les autres, les relations humaines aussi, etc. C’était quasiment la seule personne avec qui je parlais, en ce temps-là. C’est à ce moment, aussi, que j’ai commencé à m’ intéresser à la psychologie: intérêt qui ne plus jamais quittée, et qui me passionne encore aujourd’hui.


Étudier la psychologie à l’Université,

un rêve adolescent, accompli, celui-ci, vers mes 40 ans.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre ! Comme quoi, il y a aussi des rêves qui se réalisent dans la vie. Ce fut l’un des plus beaux cadeaux de ma vie: avoir une deuxième chance d’apprendre!


Ayant dû redoubler deux fois, 2 années scolaires, au collège, je quittais l’école obligatoire vers 16/17 ans... J’avais donc finalement obtenu mon Certificat des Collèges suisse (Brevet en FR). Je parlais italien, me débrouillais honnêtement en allemand et en anglais. Langues que je n’ai pas oubliées, même peu ou plus pratiquées depuis. J’ai commencé le Gymnase (Lycée) suisse. J’y suis restée environ… 3 mois. Pourquoi? Parce que «le» beau-père avait (enfin!) quitté la maison. Souvenez-vous, il était la femme au foyer et maman l’homme qui travaillait. Oui vous avez bien lu, et je ne me suis pas trompée en écrivant ceci. Ce qui veut dire que maman était peu présente, et que je me retrouvais seule avec ma petite sœur cadette, de 3,5 ans de moins que moi. Celle-ci était alors en pleine crise adolescente, elle vivait une sorte de harcèlement et je passais mes fins de journée à l’écouter pleurer et me raconter son vécu difficile, essayant de la consoler en lui apprenant ce que je pouvais, et connaissais. Je voulais aussi qu’il ne lui arrive pas la même chose qu’à moi; c’est pourquoi je l’aidais pour qu’elle ne soit pas en échec scolaire. Mais avant cela, pendant la classe, j’avais déjà anticipé et fait dans ma tête le menu du soir et la liste de courses adéquate, et je passais faire les courses au supermarché, avant de rentrer faire le repas à la maison.

Du coup, entre les menus et la cuisine, et le fait de soutenir ma sœur par mon écoute, le ménage à faire dans la maison et le chien à sortir, et bien je n’avais tout simplement plus d’énergie à consacrer à du travail scolaire. Je savais, intérieurement, comme une conviction, que ce serait, scolairement parlant, ma sœur ou moi: j’ai préféré qu’elle puisse réussir, elle. J’ai donc abandonné le Gymnase-Lycée au bout de quelques mois, plutôt que de vivre un nouvel échec scolaire qui m'apparaissait imparable et que je ne me sentais pas prête à assumer. J’ai pris quelques mois de cours du soir de maths, physique et chimie, parce que j’avais envisagé d’apprendre à devenir kinésithérapeute; mais j’ai échoué, étant beaucoup plus littéraire que scientifique.

Ce fut aussi un passage où je voulais APPRENDRE à toucher autrement que de frapper, passer de la "dureté" codifiée du Yoseikan-Budo à la bienveillance codée du soin. Je voulais APPRENDRE d'autres règles de contacts humains: après l'art martial du toucher, assimiler l'art du toucher avec bienveillance et douceur. J'essayais de me débarrasser de la brutalité, que j'avais largement cultivée et entretenue, et qui était presque devenue une partie de mon être, une sorte de réflexe de survie, dont je n'avais plus besoin: l'affreux beau-père ayant quitté la maison.


Et puis, finalement, je suis tombée sur un dossier concernant le métier d’ infirmière en psychiatrie, et j’ai été intéressée par le côté «psycho» qui m’attirait, encore, et toujours. Je me suis présentée aux examens, il y avait six places pour soixante candidats et j’ai été reçue, sélectionnée et choisie après examen et entretien personnel réussi: j’ai toujours mon courrier d’admission à l’École des Infirmiers en Psychiatrie de Suisse. J’avais autour de 17/18 ans.

J’ai pu alors quitter la maison à 17 ans. Je suis allée m’installer dans une chambre louée en ville. Je devais encore travailler 3 mois comme aide-infirmière (aide-soignante) stagiaire pour valider l’entrée en école d’infirmière psy. Extérieurement, ce travail se passait bien, on était content de moi. Intérieurement: j’étais jeune, célibataire et sans enfants, et je n’avais plus le souci et la charge mentale de la maison, et de ma petite sœur. Je pouvais donc consacrer toute mon énergie à apprendre ce travail de stagiaire, intégrer les codes, routines, tâches… Comme je travaillais en services de maternité et gynécologie, du côté des mamans - bébés, chaque chambre avait un chariot roulant à double étage, rempli de nombreux bouquets de fleurs, et qui étais sorti dans le couloir pendant la nuit. Après le service des plateaux du petit déjeuner, je devais m’occuper des fleurs: il y en avait tellement que cela me prenait deux heures. Il fallait changer l’eau, couper les tiges,… refaire les bouquets puis ramener le chariot dans la chambre. Ce temps de SOLITUDE dans le local, entourée de toutes ces splendeurs de la nature, aux couleurs arc-en-ciel, aux senteurs parfumées de lys odorant, parfums des roses colorées, encensait et masquait l’odeur hospitalière de désinfectant du tout petit local. La palette de tons vifs ou pastels, entremêlée de verdures variées, ce moment comme au milieu de la nature, avec tous les chariots de fleurs, était ce qui m’a permis de tenir presque trois mois. Ce bonheur était régulièrement gâché par les cris de femmes qui accouchaient juste à côté du local. On m’avait proposé d’assister à une naissance, mais d’après ce que j’entendais, je fuyais cette proposition. Lors des petites pauses-café du matin, j’allais M’ISOLER dans les toilettes, histoire de faire moi aussi ma pause: stop aux sollicitations, sourires, agitation… Ce temps de CALME m’était tout simplement VITAL. On me faisait ensuite, surtout, nettoyer les lits, dans une sorte de sas du couloir, où j’étais plutôt tranquille et seule; lits qui changeaient beaucoup du côté gynéco. Après le repas de midi, servi tôt en hôpital, il y avait un long temps, plutôt calme dans le service, où souvent les patientes, les femmes faisaient une sieste. C’était généralement le moment où toutes les infirmières de gynéco et maternité se rassemblaient pour un partage, à la fois de travail et informel, et de pause-café. Mais il fallait une volontaire pour garder le côté gynéco… comme par hasard j’étais toujours volontaire! Ainsi je pouvais échapper au blabla de la pause-café dans lequel je ne me sentais jamais à l’aise, même si tout était fait pour m’intégrer. J’étais appréciée, je n’avais pas de problèmes avec l’équipe. J’ai eu un rapport de stage excellent. Mais je préférais instinctivement rester SEULE, à l’écart, lors de ce temps méridien hospitalier. Je pense que cela me permettait ainsi de survivre à la pression sensorielle, lumineuse, odorante, relationnelle aussi, même si ces relations étaient bonnes. Puis enfin, je pouvais quitter mon service terminé. Rentrée dans ma chambre louée en ville, je pouvais à peine grignoter quelque chose avant de m’effondrer et m’endormir, épuisée, pour une sieste. J’étais même trop fatiguée pour lire (il n’y avait pas encore d’écrans, ni d’ordinateurs, ni de téléphones portables), je n’avais plus la force de marcher pour balader par exemple.

Pour tenir le coup, et le coût énergétique aussi, dans la durée, il y avait une seule activité, une fois par semaine, que je pouvais réaliser. A côté de l’hôpital, il y avait des bains thermaux, avec piscine intérieure et extérieure, de l’eau de sources chaudes, à l’odeur de souffre. Je restais seule, plongée jusqu’aux épaules, la nuit tombant tôt, dans ces eaux sulfureuses odorantes, dans la piscine extérieure, avec parfois la pluie ou la neige froide qui mouillait mon visage et dont les flocons scintillaient sous les projecteurs tamisés et les lumières très douces. Je me calais sur une bulle de massage, je regardait tomber les cristaux neigeux: j’avais chaud sur mon corps dans l’eau, et froid sur le visage. Je choisissais un horaire où il y avait très peu de monde et pas de bruit dans la piscine. C’était le seul moment, après ma semaine de stage, où je me sentais bien, sans tensions, qui me quittaient dans le bassin sulfuré. Comme si j’avais besoin de me laver, de me nettoyer de toute l’atmosphère hospitalière: surchargée d’odeurs, de cris parfois, et/ou de gémissements, de pleurs de bébés, de sang et/ou de douleurs, vie et souffrance aussi; saturation des émotions, cumulées, de toutes ces personnes, rassemblées en un même lieu.

J’avais aussi été obligée de me rendre avec l’équipe de soins à une sorte de fête d’entreprise du service, dans un petit chalet loué près du lac pour l’occasion. Comment décrire cela? Même pas peur! Je n’avais pas peur des gens, je n’étais pas ni misanthrope ni asociale, et à cet âge-là (autour de 17 ans) j’avais perdu mon agressivité adolescente. Mon impulsivité devenait plus ou moins gérable, en société, pendant un temps limité malgré tout. Bref, l’équipe était sympa, je n’étais plus le vilain petit canard sauvage de mon enfance. Et pourtant… mais qu’est-ce que je m’ennuyais lors de ces conversations insipides, sourires et hi hi haha… Les infirmières qui tournaient comme des abeilles autour des rares médecins, les blagues des carabins auxquelles il fallait faire semblant de rire, etc. Je trouvais toujours une technique pour me caler dans le groupe, mais en marge, et laisser le film social se dérouler comme si j’en étais l’observatrice. Je me sentais décalée, je me savais différente mais sans comprendre pourquoi: je pensais que je n’étais vraiment pas normale de ne pas savourer ce qui apparaissait aux autres comme des moments de plaisir agréable.

Wangmo


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